Pourquoi est-il devenu si difficile de parler d’écologie ?

Cela fait bien 15 ans, si ce n’est plus, que près de 9 Français sur 10 se déclarent préoccupés par l’environnement. Le sujet semble consensuel et a considérablement gagné en visibilité ces dernières années. En 2019, ¾ des Français ont même indiqué avoir accru leur intérêt pour les enjeux liés à l’écologie au cours des mois précédant le sondage.

Pourtant, on constate tous les jours que l’environnement est un sujet particulièrement brûlant, lieu de débats et de controverses. Les tenants de différentes vision de l’écologie avancent leur point de vue face à des personnes qui paraissent au mieux hermétiques à ce qui nous paraît évident, au pire malhonnêtes. Difficile dans ces circonstances de toujours garder son calme, on a le sentiment d’être seul.e à percevoir qu’il y a urgence à agir. Quand on ne se sent pas écouté.e ou compris.e le ton peut rapidement monter.

Malheureusement les chances que l’on a de se faire entendre se réduisent d’autant plus que le ton de notre voix se durcit. Pourquoi faut-il absolument l’éviter ? ⚠️

LA COLÈRE 🤬

Face à un sentiment d’urgence et d’impuissance, il est normal de ressentir de la colère. C’est une émotion très efficace pour nous mettre en mouvement, mais bien mauvaise conseillère sur les stratégies à adopter pour parvenir efficacement à notre but.

Les causes de la colère 🧨

  • La colère surgit souvent suite à une agression (verbale ou physique) ou à de la frustration, mais pas que.
  • Des sentiments anxieux et une sensibilité importante aux menaces environnementales peuvent activer une humeur irritable, qui va enclencher des réactions de défenses disproportionnées.
  • Un sentiment d’impuissance sur le cours des événements peut nourrir des sentiments de colère et de dépression. Point positif : plus on se sent en capacité d’agir, plus ces émotions vont s’atténuer.
  • Une attente est souvent à l’origine des sentiments de colère : l’autre ne doit pas être ce qu’il est, mais ce que je veux qu’il soit. En effet, quand l’autre n’est pas au même stade de préparation au changement que soi, il peut être difficile de toujours garder son calme face à lui. 😉

Les effets de la colère 💥

La colère est cette motivation qui va nous pousser à vouloir créer un changement chez l’autre, à rétablir une situation ou à la faire évoluer. Cependant, la colère est mauvaise conseillère !

En s’affirmant de manière colérique, plutôt que d’être convaincant.e, nous n’allons provoquer chez l’autre qu’une contre-agressivité plutôt que le changement souhaité. Avec des résultats proportionnellement inverses à l’intensité de notre réaction.

La colère brouille notre jugement. Elle nous rend moins efficace pour appréhender le principe de réalité, en intégrant les éléments insatisfaisants de la réalité à notre réflexion et apporter de la mesure à nos propos.

Exprimer un point de vue très polarisé peut amener nos interlocuteurs à se braquer et à les rendre totalement hermétiques à nos arguments, voire pire… les inciter à produire précisément le comportement inverse. 😨 C’est le mécanisme de la réactance psychologique.

🧐 C’est quoi la réactance ?

Personne n’apprécie que quelqu’un débarque et lui dise quoi faire, moi le premier !

La réactance est une réaction négative face aux efforts que d’autres déploient pour nous amener à penser ou agir comme ils voudraient. Ça vous rappelle quelque chose ? Avec le dernier déclencheur de la colère (cf. l’attente), ça ressemble bien à un cercle vicieux 🤔.

Il s’agit de cette sensation où vont se mêler l’inconfort, l’hostilité, l’agressivité lorsqu’on perçoit que quelqu’un essaie d’influencer nos choix, et qui nous pousse à résister à cette tentative d’intrusion dans notre liberté d’agir et de penser.

  • Nous accordons beaucoup d’importance à notre perception de liberté.
  • La réactance suit un principe de proportionnalité avec la menace. Plus les arguments d’en face seront insistants (donc menaçants) plus forte sera notre opposition. Plus la liberté en jeu sera importante à nos yeux (ex. utiliser l’avion pour aller voir ses petits enfants), plus puissante sera la contre-réaction.
  • La source de la menace joue également un rôle important. Si la personne qui présente le message n’est pas perçue comme légitime, si elle se positionne comme moralement supérieure ou procède à des généralisations hâtives, il y a des chances que ces conditions augmentent la réactance.
« Mais pour qui il se prend celui-là, à me dire ce que je dois faire ?! »

Pourquoi faut-il à tout prix éviter de générer de la réactance ?

Sur le plan cognitif, la réactance provoque différents effets qui peuvent se cumuler :

  • On discrédite à la fois le message menaçant et sa source,
  • Le comportement incriminé devient d’autant plus attirant qu’il est menacé,
  • Si un comportement ou une opinion est proposée en remplacement, ils seront rapidement dénigrés.

Sur le plan comportemental on peut aussi restaurer notre sentiment de liberté de différentes manières :

  • En produisant directement le comportement menacé,
  • En faisant remarquer que d’autres ne se gênent pas de le faire, et dans ce cas pourquoi devrait-on se priver ?
  • En démontrant de l’agressivité et du mépris pour dissuader l’interlocuteur d’insister ou simplement pour soulager son exaspération.

La réactance peut également se manifester lorsqu’on est témoin d’une restriction de liberté envers une autre personne ou un autre groupe, même si ça n’a aucun implication sur notre propre liberté de choix. La réactance n’affecte pas uniquement la personne qui réagit, et peut donc avoir des effets bien plus importants que ceux qui sont directement visibles.

Comment éviter la réactance 🧭

Un langage qui présente des arguments définitifs, auxquels on ne peut rien objecter donne un terreau très fertile à l’énervement. Notamment avec l’usage de termes comme « tu devrais« , « il faut que« , « tu dois« , etc.

Préférez l’utilisation d’un langage moins restrictif et plus ouvert, avec des termes comme « tu peux« , « tu pourrais« , « tu peux considérer« , « il est possible que« , etc.

Par ailleurs, il est plus efficace de cadrer son message en se fixant sur les résultats positifs que l’on peut tirer de l’action plutôt que sur l’évitement de conséquences négatives.

Le cadrage d’évitement réduit le taux d’acceptation du message et de celui qui le communique, et génère davantage de contre-argumentation.

Plusieurs petites techniques permettent de réduire ou de prévenir l’apparition de réactance :

  • Préciser à la fin d’un message que la personne est libre de décider par elle-même de ce qui est bon pour elle peut aider à rendre le message moins menaçant,
  • Amener la personne cible du message à comprendre la perspective de celui qui l’émet, induire de l’empathie dans son message, réduit également la réactance,
  • Avertir en amont du message que celui-ci pourra être perçu comme une menace permet de réduire la menace ressentie.

Pour conclure

La colère et le mépris créent bien plus de problèmes qu’ils n’en résolvent.

La réactance en est le résultat et amène les personnes chez qui on souhaiterait avoir un impact à s’entêter encore plus dans leurs idées et leurs conduites.

Se rendre compte de ce mécanisme est une première étape pour amener une discussion plus sereine et respectueuse, même quand nos opinions ne se rejoignent pas. Et in fine, à favoriser un changement comportemental.

A mesure que l’intérêt pour le sujet de l’environnement grandit, il est normal que des points de vue toujours plus nombreux se confrontent. Je vous encourage à toujours vous mettre à la place de votre détracteur, c’est en essayant de le comprendre qu’en retour vous parviendrez à lui faire considérer votre perspective. Et sait-on jamais, peut-être que l’autre aurait également des choses intéressantes à nous apprendre dans cet échange. 😉

L’objectif de ce site est d’explorer les différentes manières de provoquer un changement social, qu’est-ce qui est efficace, dans quel(s) contexte(s) et à quels coûts ?

Si vous avez des sujets que vous souhaitez voir traités, je vous invite à m’en faire part dans les commentaires. 👨‍💻

Bibliographie

  • Steindl, C., Jonas, E., Sittenthaler, S., Traut-Mattausch, E., & Greenberg, J. (2015). Understanding psychological reactance. Zeitschrift für Psychologie. https://econtent.hogrefe.com/doi/full/10.1027/2151-2604/a000222
  • Pleux, D. (2006). Exprimer sa colère sans perdre le contrôle. Odile Jacob.
  • Baron, R. A., Byrne, D., & Branscombe, N. R. (2017). Social psychology (14th ed.). Pearson.

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